"Exclure Huawei de la 5G nuirait aux intérêts de toute l'industrie française », dit Linda Han la responsable des affaires publiques de Huawei
Dans une interview aux « Echos », Linda Han, vice-présidente des affaires publiques de Huawei chargée de la France, estime que le gouvernement français n'a « aucune raison » d'exclure le groupe de la 5G. Dimanche, l'ambassade de Chine a mis en garde Paris contre d'éventuelles discriminations à l'encontre du chinois. L'Anssi doit prochainement autoriser ou non les choix d'équipementiers des opérateurs télécoms pour la 5G, dont plusieurs souhaiteraient avoir recours à Huawei. Le chinois s'enracine tactiquement encore davantage dans l'Hexagone, en annonçant l'ouverture d'un sixième centre de recherche.
Plus que quelques jours, deux semaines tout au plus, à attendre. La tension est maximale pour les quelque 1.000 salariés que compte Huawei en France. Après le Royaume-Uni et alors que l'Allemagne tergiverse, l'Anssi, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, rattachée à Matignon, s'apprête à trancher d'ici la fin février la question qui agite toute l'Europe des télécoms depuis des mois. Faut-il exclure le géant chinois, numéro un mondial du secteur, de la construction des réseaux 5G, le prochain standard de téléphonie mobile, en raison de ses liens supposés avec Pékin ?
Officiellement, la France n'a pas barré la route au champion chinois. Mais les opérateurs télécoms dénoncent un double discours. Sans avoir à se justifier, l'administration pourrait, selon eux, utiliser une nouvelle loi entrée en vigueur en décembre pour bloquer de fait Huawei. Dimanche, même la Chine a brandi son pouvoir de nuisance et menace ouvertement de prendre des mesures de rétorsion si son fleuron était exclu du marché français de la 5G.
Car Huawei joue là une partie de son avenir dans l'Hexagone. Le groupe chinois est présent depuis dix-sept ans en France. Il dépose plus de 50 brevets par an dans le pays et travaille avec plus de 300 entreprises tricolores. Surtout, il fait tourner… la moitié des réseaux 4G de SFR et de Bouygues Telecom.
Dans une interview aux « Echos », Linda Han, envoyée à Paris par le siège de Shenzhen il y a six mois pour éteindre la crise, estime que la France n'a « aucune raison » d'interdire Huawei sur la 5G. « Exclure Huawei de la 5G nuirait aux intérêts de toute l'industrie française, déclare la dirigeante. La France ne fera pas ce choix-là. »
Officiellement, la France n'a pas interdit Huawei. Mais en coulisse, les opérateurs télécoms sont encouragés à se tourner vers les équipementiers européens pour bâtir leurs réseaux 5G. Comment vivez-vous cette situation ?
Nous conservons toute notre confiance en la France qui est et reste un partenaire stratégique très fort pour Huawei. Cela fait maintenant dix-sept ans que Huawei est en France et il n'y a jamais eu le moindre problème en matière de sécurité. Nous avons des contrats avec tous les opérateurs télécoms : SFR, Orange, Bouygues Telecom et Iliad pour leurs réseaux fixes en France et, pour deux d'entre eux, également pour leurs réseaux mobiles. Il n'y a aucune raison de nous exclure de ce marché.
Pourtant, l'ambassade de Chine à Paris redoute, elle, des discriminations, notamment à l'encontre de Huawei sur la 5G, comme elle l'a indiqué publiquement. Elle a même menacé la France de rétorsions…
Nous avons vu ce communiqué, mais nous n'avons pas à commenter des déclarations politiques. Nous n'imaginons pas que la France puisse interdire Huawei. La preuve, le président Emmanuel Macron a affirmé que la France ne discriminerait aucun équipementier télécoms sur le marché de la 5G. Nous croyons en cet engagement.
La Chine demande à la France de ne pas discriminer Huawei
L'argument principal des autorités publiques américaines ou européennes, c'est cette loi chinoise qui autorise Pékin à demander aux entreprises chinoises de leur donner des informations sur leurs activités. Elles redoutent des pratiques d'espionnage…
Je voudrais clarifier un point : en France, Huawei ne respecte que la loi française, que les choses soient claires. Huawei est une entreprise européenne en Europe et une entreprise française en France. J'ajoute que le fondateur de notre groupe, Ren Zhengfei, a assuré que Huawei n'irait jamais à l'encontre des intérêts de ses clients. D'ailleurs, il n'y a jamais eu de sujet d'espionnage avec des équipements Huawei. Enfin, Huawei n'est qu'un maillon de la chaîne télécoms. Nous vendons des équipements, certes, mais toutes les données sont chez les opérateurs télécoms. Comme le dit Stéphane Richard [PDG d'Orange, NDLR], les opérateurs ont toutes les compétences pour garantir la sécurité de leurs infrastructures.
Ces arguments ne sont manifestement pas de nature à lever le doute qui semble s'installer sur les entreprises chinoises. Quelles garanties sécuritaires supplémentaires Huawei pourrait-il apporter à la France ?
J'espère bien que vous poserez cette question aussi à des entreprises américaines, et non pas qu'à Huawei… Sachez que notre groupe est ouvert à toutes les propositions pour garantir la sécurité en France. Mais ce pour toute l'industrie, pas que pour une seule entreprise. Nous pourrions par exemple travailler ensemble à l'élaboration d'une norme de sécurité, un standard qui serait valable pour tous.
Nos standards de sécurité sont parmi les meilleurs du marché. 223 partenaires du monde entier les ont d'ailleurs évalués. En France, nous avons fait une expérimentation 5G avec Cesti Thales, qui a donné lieu à un rapport, transmis ensuite à l'Agence chargée de la sécurité des systèmes d'information, l'Anssi. L'agence elle-même nous a recommandé de partager notre savoir-faire avec nos partenaires. Ce que nous nous sommes empressés de faire.
L'Anssi s'apprête justement à répondre aux opérateurs télécoms qui souhaitent avoir recours à Huawei sur la 5G. Quels sont ceux qui ont demandé à vous avoir comme partenaire ?
SFR et Bouygues Telecom, à qui Huawei fournit déjà les équipements mobiles en France, souhaitent à nouveau travailler avec nous pour la construction de leurs réseaux 5G dans l'Hexagone. Iliad a aussi déposé une demande d'autorisation pour nos équipements 5G. Nous travaillons déjà sur les réseaux mobiles de ce groupe en dehors de la France, en Irlande, par exemple.
Lire la suite sur le site Les Echos