"Inauguration du centre de recherche en mathématiques" (Challenges)

Le « Matebook » de Huawei Quique García/SIPA
La France, terre d’élection en recherche fondamentale? Huawei inaugurait ce 14 juin son centre de recherche-développement en mathématiques et algorithmes, sis juste à côté de son siège social français, Rue du Point du Jour, à Boulogne-Billancourt. Il compte déjà 74 chercheurs docteurs, et 12 doctorants sous contrats CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche).
Au programme: « des mathématiques appliqués sur la 5G, attendue pour 2020, les objets connectés, l’intelligence artificielle, et la virtualisation des réseaux », résume son directeur, Merouane Debbah. Il a notamment planché sur la théorie des matrices aléatoires appliquée aux réseaux sans fils, qui trouve des applications concrètes « dans le domaine des réseaux denses sans fil reconfigurables verts » (green small cell networks) permettant de multiplier le débit de la 4G par un facteur 10 tout en diminuant la consommation du réseau », précise-t-il.
A 40 ans, Merouane Debbah déroule déjà un CV de référence dans la recherche: diplômé de l’ENS Cachan, il est passé par le centre de recherches en télécoms de Vienne, par le département de télécommunications mobiles d’Eurecom (Sophia-Antipolis), où il a donné des cours, avant d’être nommé à 31 ans professeur à Supélec (campus de Gif-sur-Yvette) puis de fonder et diriger la chaire Alcatel-Lucent en Radio Flexible. Il a décroché plusieurs sésames, dont le prestigieux prix Alain Glavieux 2011. Il a été recruté par Huawei en 2014. Tout comme Yann LeCun chez Facebook, il continuera de donner des cours, notamment à Centrale Supélec, et à publier des travaux de recherches.
L’avantage d’implanter sa R&D dans l’Hexagone
Huawei avait déjà ouvert trois autres centres de R&D en France, sur les 16 qu’il compte en Europe : un sur les terminaux à Boulogne Billancourt, un sur les composants à Sophia-Antipolis, spécialisé dans le traitement de l’imagerie numérique, et un centre de design industriel à Paris
Le tout s’inscrit dans un vaste programme de recherches prévu dans l’Hexagone: en septembre 2014, Ren Zhengfei, président et fondateur de l’entreprise chinoise, avait fait le déplacement pour dévoiler un plan d’investissement de 1,5 milliard d’euros en France. Etalées sur cinq ans, ces dépenses devaient s’accompagner de 650 recrutements, dont 200 en recherche et développement.
Mais qu’est-ce qui amène le géant chinois à miser autant sur la France pour sa recherche? « L’école française des mathématiques reste une des meilleures au monde. L’attractivité de la France tient à l’excellence de sa recherche fondamentale. Le projet de la France n’est pas d’être un incubateur mondial mais le lieu où ces innovations grandissent », précise Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’Education Supérieure et de la Recherche.
Ainsi, Huawei vient chercher en France des compétences dont il ne dispose pas forcément au niveau national. Des chercheurs et ingénieurs par ailleurs moins chers qu’aux Etats-Unis, où il est de toute façon persona non grata.
Avec la bénédiction des pouvoirs publics français, qui proposent des dispositifs d’aide à l’innovation: « Huawei bénéficie du crédit d’impôt recherche, et de cinq programmes de l’Agence nationale de la recherche sur la 5G », précise à Challenges Thierry Mandon. Sans compter les doctorants sous contrats CIFRE, dispositif de financement de thèses qui aide les entreprises pour le recrutement de chercheurs-doctorants.
C’est pour les mêmes raisons que d’autres géants de la high-tech ont ouvert des centres de R&D en France: Microsoft inaugurait le sien à Issy-les-Moulineaux en octobre 2008. Google investissait 100 millions d’euros dans son centre de R&D Rue Blanche à Paris en septembre 2011. Facebook, il y a un an, ouvrait à Paris son centre consacré à l’intelligence artificielle, Facebook AI Research (FAIR), dirigé par le chercheur Yann LeCun. Facebook vient d’ailleurs de déménager dans des locaux parisiens plus grands, près de la Bourse, avec pour objectif d’y recevoir des chercheurs étrangers de passage.