Non, Huawei n’est pas construit sur le financement de l’État chinois

2020.04.21

Non, Huawei n’est pas construit sur le financement de l’État chinois

Par : Karl Song

Récemment, le gouvernement américain a accusé Huawei de recevoir des financements spéciaux du gouvernement chinois, ce qui aurait permis à l’entreprise d'avoir un avantage déloyal dans la concurrence sur le marché. Ces allégations ont été amplifiées par d’innombrables reportages dans les médias. Ces attaques, diffusées à l’aide de tous les outils dont dispose Washington, sont motivées, selon nous, par une volonté de protéger l’hégémonie technologique américaine.

L’affirmation selon laquelle Huawei est parrainé par l’État est l’un des principaux arguments que Washington avance pour convaincre ses alliés - sans grand succès jusqu’à présent - qu’ils ne devraient pas utiliser l’équipement Huawei pour leurs réseaux 5G. Huawei a fermement démenti les allégations américaines selon lesquelles l’entreprise recevrait un financement spécial de Pékin.

Nos rapports annuels, audités par KPMG, montrent clairement que Huawei est une entreprise privée détenue à 100% par ses employés. Le gouvernement chinois ne détient aucune action dans l’entreprise. Les subventions gouvernementales, les prêts bancaires et les incitations fiscales que Huawei reçoit ne sont pas différents de ceux reçus par ses principaux concurrents.

Pour le prouver de manière explicite, un cabinet d’avocats en externe a récemment engagé un expert en finance pour contrôler nos budgets. Dr Wei Jiang est professeure titulaire de finance à la Columbia University Graduate School of Business. Elle est également agrégée supérieure au programme de gouvernance d’entreprise de la faculté de droit de Harvard. Auteure de nombreux articles dans les meilleures revues universitaires, elle a remporté les prix du meilleur article annuel dans trois prestigieuses revues financières aux États-Unis.


Huawei financement

Dans son rapport récemment soumis à la Commission fédérale des communications, la professeure Jiang a conclu que les avantages financiers que Huawei obtient auprès du gouvernement chinois sont proportionnellement conformes, une fois ajustés en fonction de la taille de l’entreprise, à ceux qu’obtiennent ses concurrents mondiaux comme Nokia, Ericsson, Cisco ou Alcatel-Lucent. Ces avantages comprennent des allégements fiscaux, des prêts bancaires ou des facilités de crédit et des subventions publiques directes[1].

Selon les données du rapport qui ont déjà été auditées, entre 2009 et 2018, le montant total des subventions directes que Huawei a reçues du gouvernement chinois - principalement pour raison d’incitation à la R&D - n’était que de 0,3% du volume des ventes totales de Huawei sur la période, qui était de 514 milliards de dollars. Si Huawei n’avait pas bénéficié de ces subventions - qui sont d’ailleurs également mises à la disposition des entreprises étrangères opérant en Chine - les bénéfices de Huawei ne seraient quasiment pas affectés. Parallèlement, dans d’autres pays, les concurrents directs de Huawei ont également bénéficié de subventions de R&D comparables de la part de leur gouvernement.

Washington accuse régulièrement Huawei de bénéficier d’énormes allégements fiscaux car son taux d’imposition effectif est moins élevé que le taux réglementaire. Mais le traitement préférentiel que  l’entreprise  obtient est une pratique standard pour les sociétés de haute technologie du monde entier. Huawei dépense environ 15% de ses revenus de vente en R&D chaque année, ce qui lui donne droit à des incitations fiscales du gouvernement, tout comme les autres entreprises de l’industrie. La loi fiscale chinoise stipule que le taux d’imposition standard des sociétés est de 25%, mais que les entreprises de haute technologie qui répondent à certains critères peuvent bénéficier d’un taux de 15%. Au cours de la dernière décennie, le taux d’imposition effectif moyen payé par Huawei a été d’environ 15% - similaire au taux payé par les entreprises américaines, a souligné la professeure Jiang. Selon les chiffres du Bureau de l’analyse économique du département du Commerce des États-Unis, de 2008 à 2018, les sociétés américaines moyennes ont été soumises à un taux d’imposition effectif inférieur à 16% après déductions, même si le taux global est de 35% [2].

En ce qui concerne le financement bancaire, l’affirmation des États-Unis selon laquelle Huawei s’appuie sur des prêts soutenus par l’État, accordés à des conditions avantageuses ne tient absolument pas. Le rapport montre qu’en 2018, 75% des prêts qu’a reçus Huawei provenaient de banques étrangères, accordés à des conditions commerciales standard (y compris les taux d’intérêt, les périodes de remboursement et les méthodes de remboursement standard). Ce pourcentage a peu changé ces dernières années. Mais surtout, selon la professeure Jiang, Huawei s’appuie principalement sur les flux de trésorerie générés par ses propres opérations commerciales, ce qui signifie que l’entreprise serait performante sans aucun financement externe. En 2018, par exemple, Huawei détenait 38,8 milliards de dollars en espèces et quasi-espèces alors que ses prêts ne s’élevaient qu’à 10,2 milliards de dollars[3].

Washington accuse Huawei de bénéficier de dizaines de milliards de dollars de financement à l’exportation que la Banque de développement de Chine ou la Banque d’exportation et d’importation de Chine (China EXIM Bank) met à la disposition des entreprises clientes. C’est une autre affirmation qui ne résiste pas à l’examen. Premièrement, d’autres pays offrent le même financement. La Suède, siège d’Ericsson, possède la Swedish Export Credit Corporation. Et le pays dans lequel siège Nokia, soit la Finlande, propose des financements commerciaux via Finnvera. Deuxièmement, les crédits à l’exportation prennent la forme de prêts qui doivent être remboursés avec intérêts aux conditions habituelles du marché. Troisièmement, si un tel financement donnait à Huawei un avantage, il se refléterait dans le fait que Huawei réalisait des délais de traitement de ses comptes clients plus courts que ses concurrents. Or la durée moyenne des créances de Huawei au cours de la décennie 2009-2018 était de 91,7 jours, ce qui n’est ni élevé ni bas pour un fournisseur d’équipements de télécommunications, a suggéré la professeure Jiang. « Rien n’indique que ces lignes de crédit accessibles aux clients de Huawei confèrent à Huawei un avantage concurrentiel déloyal par rapport à ses pairs », a constaté Jiang.

Une fois ajustés à la taille des entreprises, les comptes de Huawei ne se distinguent pas, en grande partie, de ceux de ses concurrents. Mais la professeure Jiang a découvert des différences majeures en examinant les ratios financiers clés. Par exemple, Huawei réalise de manière constante le taux de rotation des actifs le plus élevé parmi les fabricants d’équipements de télécommunications. En général, le système de gestion financière efficace de Huawei permet à l’entreprise de bénéficier d’une situation financière stable, et donc « des rendements plus élevés sur le capital investi par rapport à ses concurrents », a observé la professeure Jiang.

Washington a lancé une campagne de désinformation sans précédent contre une entreprise privée dont le siège est dans un pays que les États-Unis considèrent comme un concurrent géopolitique et de haute technologie. Mais cette campagne repose en grande partie sur l' affirmation manifestement fausse que Huawei est injustement financé par le gouvernement chinois. Comme le montrent les chiffres, Huawei n’a reçu aucun traitement spécial de la part du gouvernement ou des banques publiques.

L’essor du marché mondial des télécommunications en Chine et dans le reste du monde au cours des trois dernières décennies a offert à Huawei des opportunités de croissance extraordinaires, mais le moteur derrière le leadership industriel de Huawei n’est pas les soi-disant subventions gouvernementales spéciales. En effet Huawei a atteint cette position grâce à son dévouement, sa focalisation sur ses clients, sa concentration sur ses activités principales, un investissement important et constant en R&D, et un plan d’actionnariat qui permet de libérer pleinement la créativité et le potentiel de ses employés.

L’auteur est vice-président du département des communications d’entreprise de Huawei Technologies. Il était auparavant PDG de Huawei USA et PDG de Huawei France.

[1] Lien vers le rapport de la professeure Wei Jiang :

https://ecfsapi.fcc.gov/file/102030067606114/Huawei%20Designation%20Comments%20Docket%20No.%2019-351%20Exhibits%20%5B1%20of%206%5D.pdf

[2] Selon une étude sur 379 grandes sociétés américaines réalisée par l’Institut sur la taxation et les politiques économiques (Institute on Taxation and Economic Policy).

[3] Les montants en dollars américains sont convertis au taux de change en vigueur à la fin de 2018, soit 1 USD = 6,8561 CNY.